Le carnet intérieur : comprendre la régulation émotionnelle autrement

On imagine souvent que la régulation émotionnelle consiste à "rester zen", "penser positif" ou "voir la vie en rose". Mais cette vision simplifiée est trompeuse — et parfois culpabilisante. Car non, la régulation émotionnelle n’a pas pour objectif de repeindre notre vie en rose bonbon. Son rôle est bien plus subtil, et bien plus précieux : nous aider à garder un carnet intérieur équilibré et fidèle à la réalité.

Le carnet mental : une métaphore simple pour comprendre

Imagine que ton cerveau possède un carnet invisible, dans lequel il note tous les événements de ta journée :

Les expériences négatives (une critique, une mauvaise nouvelle, une dispute) sont écrites au marqueur rouge, vif et indélébile.

Les expériences positives (un sourire, une marche au soleil, un compliment, un café partagé) sont écrites au crayon gris, fin et effaçable.

Résultat ? Quand tu rouvres ton carnet mental, ce que tu vois surtout, ce sont des pages saturées de rouge. Les écritures au crayon gris, elles, s’effacent vite. C’est ce qu’on appelle le biais de négativité : notre cerveau a été câblé pour donner plus de poids aux menaces qu’aux ressources, car c’était vital pour survivre.

Un simple exemple de la vie quotidienne : tu passes une bonne journée, et en fin d’après-midi, une remarque sèche de ton supérieur tombe. En rentrant chez toi, ton carnet mental est rouge vif. La journée entière paraît "nulle", alors qu’objectivement, elle ne l’était pas.

Réguler, ce n’est pas repeindre

C’est là que naît la confusion. Beaucoup de discours laissent croire que la régulation émotionnelle consiste à "effacer le rouge" ou "ajouter du rose" partout. Mais non.

👉 Réguler, ce n’est pas supprimer. Réguler, c’est équilibrer.

Cela signifie :

Garder une trace du rouge (parce que certaines alertes sont utiles et doivent être entendues).

Renforcer la présence du bleu (les ressources, l’apaisement, les moments qui font du bien).

La régulation émotionnelle, c’est donc s’assurer que ton carnet ne soit pas faussé par une couleur qui prend toute la place. Tu ne transformes pas la réalité en rose, tu la rends lisible, nuancée, fidèle.

Neurosciences : que se passe-t-il quand on régule ?

Quand tu pratiques une méthode de régulation (par exemple, la cohérence cardiaque, un exercice de respiration ou une séance de neurofeedback), ton système nerveux se rééquilibre :

Le système vagal ventral (théorie polyvagale, S. Porges) s’active → tu ressens un apaisement physiologique.

L’amygdale, centre de l’alerte et de la peur, baisse en intensité → tu es moins happé par les signaux rouges.

L’hippocampe et le cortex préfrontal reprennent la main → tu peux réévaluer la situation avec plus de clarté.

La variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) s’améliore → ton corps et ton cerveau communiquent mieux, renforçant ta stabilité émotionnelle.

En clair : tu continues à percevoir les événements rouges, mais ils ne saturent plus ton carnet. Et tu arrives à écrire en bleu de manière plus durable.

Exemple concret : la cohérence cardiaque au quotidien

Prenons un cas simple :

Le matin, tu es stressé par une réunion importante. Ton carnet s’ouvre sur une grosse page rouge.

Tu pratiques 5 minutes de cohérence cardiaque. Ton souffle se calme, ta VFC s’équilibre.

Résultat : la page n’est pas effacée (la réunion reste un stress réel), mais tu ajoutes une ligne en bleu. Tu arrives plus présent, moins écrasé, plus lucide.

Et répété régulièrement, cet entraînement change la texture de ton carnet : les bleus prennent de la place, le rouge est toujours là mais ne déforme plus toute ta lecture.

Le vrai enjeu : fidélité au réel

Un carnet rempli de rouge déforme la réalité.

Un carnet artificiellement peint en rose aussi.

La régulation émotionnelle, c’est retrouver une vision fidèle et équilibrée de sa vie intérieure.

C’est ce qui permet d’éviter de tomber dans la rumination anxieuse, mais aussi d’éviter de basculer dans l’illusion "positive toxique".

Et c’est précisément ce que proposent des pratiques comme le biofeedback ou le neurofeedback : entraîner ton système nerveux à ne pas se laisser piéger par la couleur dominante, mais à tenir un carnet riche, nuancé, lisible.

Conclusion : écrire en bleu, sans effacer le rouge

Alors non, la régulation émotionnelle n’est pas là pour "voir la vie en rose". Elle est là pour t’apprendre à écrire aussi en bleu, à équilibrer ton carnet intérieur, et à rester au plus près de la réalité.

Et dans un monde où le stress et les tensions prennent vite toute la place, s’entraîner à retrouver cet équilibre est un des plus beaux cadeaux que tu puisses t’offrir.

Crédit photo : Kateryna Hliznitsova sur Unsplash

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